Les coureurs cyclistes comtois et le Tour de France
Le 1er juillet 2023 s’élancera la 110ème édition du Tour de France. Et si le parcours de cette année boudera gentiment, une fois n’est pas coutume, la Planche-des-Belles-Filles, les routes franc-comtoises seront à l’honneur pour un final épique. L’occasion pour nous de revenir sur l’histoire des coureurs comtois sur la Grande Boucle.
Mais l’amour, parfois contrarié, des Comtois et de leurs coureurs professionnels est bien plus ancien. Ne serait-ce qu’à partir des années 1970, les cyclistes franc-comtois ont été les auteurs de plusieurs exploits dans la plus grande course de vélo du monde.
Du 14 au 16 avril se déroulera le triptyque comtois : Classic Grand Besançon-Doubs (vendredi), Tour du Jura (samedi) et Tour du Doubs (dimanche), avec un beau plateau de cyclistes professionnels.
La Franche-Comté accueillera, par ailleurs, Le Tour de France 2023, le 21 juillet (Moirans-en-Montagne – Poligny) et le 22 juillet (Belfort – Le Markstein – Fellering).
Jean de Gribaldy, le Vicomte du Tour de France
La romance entre la Franche-Comté et la Grande Boucle ne débute en réalité que dans l’immédiate après-guerre. Grimpeur de petit gabarit, un certain Jean de Gribaldy, natif de Besançon et originaire du Haut-Doubs, se fait remarquer sur les éditions 1947, 1948 et 1952. Ce ne sont pas tant ses aptitudes cyclistes – il manque un peu de puissance – que son charisme qui attirent les regards.
Après une carrière sportive honorable, ce descendant d’une lignée de la noblesse piémontaise (il peut revendiquer le titre de Vicomte) se reconvertit en directeur sportif. Avec un talent irréfutable. Non seulement l’ancien sociétaire du Vélo Club de Pontarlier remporte en tant que patron d’équipes professionnelles plusieurs courses de prestige (entre 1964 et 1986), mais il se montre un formidable découvreur de talents.
Sous sa férule, un obscure Irlandais nommé Sean Kelly remportera la doyenne Liège-Bastogne-Liège (1983). Par la suite, ce jeune talent deviendra l’un des coureurs les plus titrés de l’histoire du vélo. Mais le Vicomte n’en est pas à son coup d’essai. En 1969, il avait déjà propulsé le cycliste portugais Joaquim Agostinho de l’anonymat au Tour de France. Bilan : deux victoires d’étape et une cinquième place au général.
Les glorieux anciens
Il faudra tout de même attendre les années 1980 pour voir le Tour de France sourire enfin aux cyclistes comtois. Avec, notamment, deux pépites qui ont croisé la route de Gribaldy. Lors de l’édition 1984, Frédéric Vichot sème ses adversaires dans la descente vers Grenoble. Le haut-saônois, originaire de Valay, remporte ainsi sa première victoire d’étape sur la Grande Boucle. Ce qu’on surnomme « l’acrobate » récidive l’année suivante à Toulouse. Et signe au passage, l’une des plus grandes échappées solitaires victorieuses de l’histoire du Tour : 207 kilomètres !
A croire que les coureurs comtois sont faits pour les longs raids en solo : en 1989, Joël Pelier, de Valentigney, s’impose dans l’étape Rennes-Futuroscope. Mais cet exploit de 166 kilomètres solitaires marque moins les esprits qu’un autre fait d’armes du Doubiste. En 1985, alors néo-pro, il avait défié l’autorité de Bernard Hinault. Tandis que le peloton s’entendait pour calmer le jeu lors de la douzième étape, Pelier attaque. C’est le blaireau lui-même, en majesté et en colère, qui ira le chercher.
Mais ni Pelier (78ème en 1985), ni Vichot (20ème en 1991) ne jouèrent réellement le classement général du Tour de France. A l’inverse d’un certain Christophe Moreau. Le cycliste belfortain, lui, vise le podium à Paris. D’ailleurs, en 2000, Moreau joue dans la cour des grands et termine quatrième de la 87ème édition. En 2001, il débute la Grande Boucle en fanfare : victoire sur le prologue, deux jours avec le Maillot Jaune. Avant d’abandonner. Régulièrement dans le TOP 15 final du Tour, Moreau sera également sacré Champion de France en 2007.
L’âge d’or du cyclisme comtois
Avec les années 2010, s’ouvre pour le cyclisme franc-comtois un véritable âge d’or. D’abord, la Planche-des-Belles-Filles devient un des hauts-lieux de la Grande Boucle. Souvent boudée jusque là, la Franche-Comté est, dès lors, très souvent visitée par le Tour de France. Mais c’est aussi grâce à ses champions que la région s’illustre.
Repérée sur internet, via des groupes de cyclistes amateurs, la Planche-des-Belles-Filles, au cœur des Vosges saônoises, accueille son premier Tour de France en 2012. Déjà, c’est un futur grand qui s’y impose : Chris Froome.
Depuis, la Grande Boucle est revenue 5 fois dans cette montée, désormais mythique. A chaque fois, ou presque, c’est un immense champion qui y a levé les bras. Jugez plutôt : Froome, Nibali, Aru, Teuns… Et Pogacar, deux fois, qui y renversa le destin du Tour 2020 face à Roglic.
La Grande Boucle féminine 2022 y sacra la néerlandaise Annemiek van Vleuten.
On connaît déjà la famille d’Arthur Vichot. Le coureur de Colombier-Fontaine s’adjugera deux fois le titre de Champion de France sur Route (2013, Lannilis et 2016, Vesoul). Hélas, il ne parviendra jamais à réellement briller sur les routes du Tour de France. Au contraire de son meilleur ami : Thibaut Pinot. Dès sa première participation en 2012, le grimpeur de Melisey s’illustre. Il remporte une étape et se classe finalement 10ème du général. En 2014, il devient le Meilleur Jeune (maillot blanc) et parvient à se hisser à la troisième place. Puis il remporte, en 2015 et 2019, deux étapes prestigieuses : l’Alpe-d’Huez et le Tourmalet. Non sans pâtir d’une certaine malchance et d’une santé fragile.
2015 restera d’ailleurs sans doute l’année des coureurs comtois sur le Tour de France. Outre le succès de Pinot, l’arrivé à Mûr-de-Bretagne consacre le puncheur jurassien Alexis Vuillermoz. L’auvergnat Bardet s’impose lui aussi : Franche-Comté, 2 ; reste de la France, 1. Ancien coureur de VTT (champion du monde par équipes), Vuillermoz continue à se forger un solide palmarès.
L’avenir du Tour de France en Franche-Comté
Néanmoins, l’âge d’or du cyclisme comtois pourrait sembler derrière nous. Après une victoire sur le Tour de Lombardie, un titre de Champion de France du contre-la-montre, et des victoires d’étapes sur les trois grands tours, Pinot annonce sa prochaine retraite. Vuillermoz fêtera bientôt ses 35 printemps. Arthur Vichot a déjà raccroché.
Bien sûr, on pense à Fabien Doubey de Légna (39) qui participa pour la première fois en 2021. Ou à Théo Delacroix, de Lons-le-Saunier, un espoir sur lequel on pourra compter. On n’oubliera pas l’immense promesse que représente le début de carrière du bisontin Romain Grégoire. Bien sûr, on pense à l’équipe « conti » (équipe réserve) de Groupama-FDJ, qui a pris ses quartiers à Besançon et qui dénichera, à coup sûr, d’autres pépites comtoises. Mais on peut aussi se dire que l’avenir du vélo en Franche-Comté est féminin.
Et le Tour de France féminin ?
En 2022, après de multiples péripéties, s’élança à nouveau un Tour de France Féminin. Direction la Franche-Comté, et la Planche-des-Belles-Filles, théâtre de l’ultime et décisive étape. La « belle fille du jour », c’est Annemiek van Vleuten, des Pays-Bas, qui s’impose non seulement sur la journée mais au classement général.
Mais il ne faut pas chercher bien loin dans ce classement pour trouver des cyclistes comtoises : deux dans les huit premières ! D’abord Juliette Labous (4ème) : la rouleuse bisontine ne cesse de progresser et s’adjuge régulièrement des courses prestigieuses (Championne de France du contre-la-montre, Tour de Burgos, meilleure jeune du Tour d’Italie). En suite, Evita Muzic (8ème) : la cycliste lédonienne a remporté le Championnat de France sur Route et figure parmi les principales espoirs du cyclisme féminin. Ces deux-là sont les deux meilleures françaises du Tour Féminin 2022. Le cyclisme comtois sera féminin, ou ne sera pas.
MàJ : mars 2023
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