Des artistes et des vaches en Franche-Comté
Figures tutélaires des paysages comtois, vaches et taureaux ont aussi inspiré de nombreux artistes comtois. De la force légendaire du taureau à la supposée placidité de la vache, de nombreuses œuvres produites dans la région rendent hommage à la race bovine, depuis au moins le 1er siècle de notre ère.
Il trône au MBAA de Besançon comme une pièce-maîtresse de la section archéologie du musée. Découvert en 1756 dans la commune du même nom (Haute-Saône), le Taureau d’Avrigney a certes perdu trois de ses quatre pattes, mais conserve ses trois cornes, caractéristiques du dieu celto-romain Tarvos trigaranus. Car si cette sculpture en alliage cuivreux relève sans aucun doute des canons esthétiques romains, les archéologues nous expliquent comment les Séquanes vénéraient les bovidés.
C’est dire à quel point la représentation de la vache dans l’art comtois remonte à loin. Pourtant, encore aujourd’hui, de nombreux artistes font de la bête à cornes une figure centrale de leur création.
Les artistes du 19ème siècle et vie quotidienne
Si, au cours de la Renaissance et dans les siècles qui suivirent, l’élégance équestre a bien plus cours dans l’imaginaire des artistes que la bonhomie bovine, le 19ème siècle pictural remplace volontiers les sujets mythologiques, bibliques et historiques par des scènes de la vie quotidienne. La vache fait son grand retour. Et une femme montre la voie. En 1840, la peintre bordelaise Rosa Bonheur entame un tour de France dans le but de caractériser sous son pinceau les races régionales.
Il n’en faut pas plus à ses contemporains pour lui emboîter le pas. La lutte entre Anciens et Modernes s’annonce grandiose dans la seconde partie du siècle. Et la Franche-Comté en devient une sorte d’épicentre, grâce à deux maîtres célèbres. A ma droite, Jean-Léon Gérôme, natif de Vesoul et tenant de l’académisme ; à ma gauche, Gustave Courbet, natif d’Ornans et chef de file des réalistes.
Ce dernier va s’attacher à la vie telle qu’elle est, et, de là, s’intéresser aux vaches qui peuplent sa Franche-Comté bien-aimée. Ce sont Les paysans de Flagey (lire encadré) ou encore Taureau blanc, génisse blonde.
Mais, dans les pas de son maître, un disciple de Gérôme s’installe à Coulevon, dans la région de Vesoul. S’émancipant peu à peu des grands thèmes classiques, il produit des scènes naturalistes, à la limite de l’ethnographie, de la campagne haute-saônoise. Jules-Alexis Muenier signe alors L’abreuvoir.
Artiste engagé, fondateur du quotidien républicain Le Petit Comtois, conseiller municipal de Besançon puis sous-préfet de Montbéliard à la chute du Second Empire, Antonin Fanart est un peintre paysagiste aux influences impressionnistes qui veut représenter les « petites gens ». Sans surprise, il représente la vache dans de nombreuses œuvres, telles que Troupeau dans un vallon rocheux, Vallée du Doubs ou encore Troupeau s’abreuvant.
Dans les pas de Courbet
Paysagiste lui-aussi, natif de Montbéliard, Jules-Emile Zingg s’attache tout autant à rendre compte de la vie paysanne en Franche-Comté dans la première moitié du 20ème siècle. C’est La neige près du Russey, qui donne à voir l’Homme avec le cheval et la vache, mais peut-être surtout Paysage d’automne, dans lequel les vaches forment comme des taches de couleur, parties intégrantes du dit paysage.
Mais le 20ème siècle pictural comtois, c’est surtout la perpétuation de l’héritage de Courbet. Ainsi de Robert Fernier, artiste pontissalien passionné par l’œuvre du maître d’Ornans dont il publiera un catalogue raisonné qui fait aujourd’hui encore référence. Et comment ne pas voir dans la toile Entre-les-Fourgs un hommage appuyé au grand homme ? Par ailleurs, en 1924, Fernier lance le Salon des Annonciades à Pontarlier, qui existe encore de nos jours. Il y restera fidèle toute sa vie, et c’est à son initiative que cet événement majeur de la vie culturelle franc-comtoise consacre son édition de 1950 à un thème intéressant : la vache et le lait !
Ami, plus que disciple, de Robert Fernier, le parisien André Charigny est invité par celui-ci à découvrir la Franche-Comté de Courbet. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie, laissant au corpus bovin de l’art comtois quelques chefs-d’oeuvre, dont L’étable ou Automne au troupeau.
Le 21ème siècle sera bovin
On pourrait croire que l’histoire s’arrête là, avec le 3ème millénaire naissant et l’âge du numérique. Il n’en est rien. Au contraire, deux artistes comtois vont faire de la vache le personnage central de leur production picturale.
Avec Marcel Mille, on découvre la Montbéliarde, symbole de la région, non plus comme un élément du décor, mais en gros plan. On observe de près son pelage, son museau luisant, son regard bien moins « bovin » qu’il n’y paraît. Mais le peintre bisontin, ancien publicitaire, ne se contente pas d’un rendu naturaliste pourtant saisissant, il a quelque chose à nous dire. Et voilà qu’apparaît un fil barbelé (Effrontée), un panneau de signalisation (Attention, Troupeau)…
Autre amoureux de la vache, Julien Mestik se définit non seulement comme peintre mais aussi comme « émancipateur de bovidés ». Et, de fait, les vaches de ses œuvres portent également un témoignage de notre propre Humanité.
Où l’on retrouve Courbet, dans Le rêve de réincarnation de Gustave ou encore Mona Lisa avec laquelle s’amuse l’artiste de Montperreux avec Da Vinci Cow, dont un exemplaire sérigraphié est entré en 2012 dans le fonds officiel du Musée du Louvre, excusez du meuh.
1 place de la Révolution, 25000 Besançon
site web
Musée Courbet
1 place Robert Fernier, 25290 Besançon
site web
Musée Georges Garret
1 rue des Ursulines, 70000 Vesoul
tous les jours (sauf mardi et férié) de 14h à 18h
entrée libre
Musée Municipal de Pontarlier
12 place d’Arçon, 25300 Pontarlier
lundi, mercredi, jeudi, vendredi : 10h-12h et14h-18h samedi, dimanche et férié : 14h-18h
tarifs : 4,20€ – 2,10€