Terroir comtois, le pays des champignons
Quand on évoque la gastronomie de Franche-Comté, on pense très vite aux fromages, aux fumaisons et salaisons, aux vins du Jura. Mais le terroir comtois est aussi celui de spécialités de champignons. A l’approche des grandes cueillettes, partons en promenade dans les prairies et forêts comtoises.
Les champignons de Franche-Comté
Si l’automne est reconnu comme la saison des champignons, on trouve des comestibles à peu près en toute saison en terre comtoise. Automne, donc, mais aussi été et printemps, mais il est aussi possible de faire quelques cueillettes intéressantes au début de l’hiver (voir encadré).
– champignons d’été et d’automne
– la girolle. Ici, on l’appelle communément jaunote (ou jaunotte). Elle pousse dès l’été et jusque tard en automne, dans les bois de feuillus. On la reconnaît à sa couleur jaune et à ses plis (pas de lames !) sous le chapeau. Il en existe toute une variété, qu’on cuisine indifféremment en Franche-Comté.
– la trompette. Un peu plus tardive que la girolle, la trompette de la mort (ou corne d’abondance) pousse en grandes colonies dans les sous-bois, en particulier de feuillus. On la reconnaît à sa forme et sa couleur, et elle ne présente guère de risques de confusion.
– les cèpes et bolets. Dans les forêts de Franche-Comté, on a la chance de pouvoir ramasser les quatre grandes variétés de cèpes « royaux ». Le plus connu (cèpe Bordeaux) le meilleur (cèpe bronzé), le plus estival (cèpe d’été), et le plus montagnard (cèpe des sapins). Sans oublier quelques bolets moins « nobles » tels que le bolet à pied rouge ou le bolet orangé.
– le rosé des prés. Agaric champêtre, sorte de gros champignon de Paris en bien plus goûteux, certains cueilleurs comtois le nomment mousseron (à ne pas confondre avec le mousseron vrai). On le trouve quant à lui dans les prés et on le reconnaît à sa couleur blanche teintée de rose.
On n’oubliera pas les espèces un peu moins courues, mais toutes aussi intéressantes : coulemelle, pied-de-mouton, chanterelle en tube, coprin et autre amanite rougissante se cuisinent également.
– champignons de printemps
Et même si ce n’est pas la saison à l’heure où j’écris ces lignes, les champignons de printemps font aussi partie intégrante de la culture culinaire de Franche-Comté.
– la morille. La recherchée, la belle, la bonne. Inutile de demander à un cueilleur de vous donner ses coins, il vous enverra promener. Elle ne présente guère de confusions qu’avec le gyromitre, et se négocie à des prix prohibitifs.
– le mousseron vrai. On le trouve dans les haies ou dans les prairies en bord de forêt. Certaines régions de Franche-Comté (Vesoul, par exemple, où on l’appelle le Saint-Georges) en ont fait leur spécialité. Cru, il pue. Cuit, il dégage une agréable odeur de miel.
Cuisine comtoise et champignons
Avec une telle variété, pas étonnant que la tradition culinaire comtoise se soit largement emparée du champignon. Avec, notamment, quelques grands classiques :
– la croûte comtoise. Croûtons de pain, crème et champignons. C’est une des spécialités les plus connues de la cuisine de Franche-Comté. Aujourd’hui, sa variante la plus luxueuse est la croûte aux morilles. Mais certains vous diront avec fermeté qu’il n’est de croûte comtoise véritable sans petits-gris des sapins (voir encadré).
Clitocybe nébuleux… Un nom pas très engageant, on l’avouera. Ce qui tombe plutôt bien, puisque dans tous les guides « français » de mycologie, le Petit-Gris, Gris des Sapins ou Mousseron d’Automne est classé dans les espèces à rejeter, voir carrément parmi les toxiques. Il faut dire qu’il a manifestement quelques propriétés laxatives…
Sauf que si vous visitez une exposition mycologique quelque part en Franche-Comté, vous avez de fortes chances de voir apparaître la mention « comestible ». Voire « (très) bon comestible » s’agissant de ce champignon des bois qui se ramasse tard dans l’année. Loin de nous l’idée de vous le conseiller. Mais sachez tout de même que, moyennant une manipulation patiente (blanchir les champignons réhydratés trois fois), certains franc-comtois cuisinent le Petit-Gris, notamment pour préparer la fameuse croûte comtoise.
– le coq aux morilles et vin jaune. Plat de fête (ou de riches), il se décline à travers la Franche-Comté avec d’autres vins, mais aussi avec, pour parfumer encore un peu plus la sauce, de fromage (notamment du Comté).
– la truite aux girolles. En Franche-Comté, région riche en truite, les deux grandes spécialités de préparation de ce poisson sont « au bleu » (méthode cuisson d’une truite très fraîche) ou aux girolles.
– le poisson à la vésulienne. Du brochet ou du sandre, accompagné d’une sauce à la crème, aux échalotes et aux champignons, idéalement des tricholomes de la Saint-Georges (mousserons vrais, voir plus haut).
Autres recettes en Franche-Comté
Mais si la tradition a du bon, elle peut aussi évoluer et se réinventer perpétuellement. Et, à l’égard des champignons, les métiers de bouche franc-comtois font preuve d’une imagination débordante. Ainsi que les foyers de Franche-Comté. De nouveaux plats s’inventent ou refont surface constamment : raclette comtoise aux champignons des bois, sandwich de coulemelles au comté, poulet d’horloger (patates et cancoillotte) aux trompettes…
De nouveaux plats, oui, mais aussi de nouvelles spécialités. Les spécialistes de la cancoillotte en pot n’en finissent de parfumer leur fromage de cèpes, girolles ou morilles. Tout comme les charcutiers : Ornans a ainsi vu la naissance, il y a quelques années, de la saucisse ornanaise, une variété de fumaison comtoise agrémentée de trompettes.