Elles sont miraculeuses mes hosties !
26 mai 1608, 3 heures du matin. Le sacristain Dom Jean Garnier pénètre dans l’église de Faverney, sise dans le bailliage d’Amont du Comté de Bourgogne, pour y sonner les Matines. Nous sommes le lendemain de Pentecôte, jour où des Indulgences Apostoliques sont accordées aux visiteurs du lieu. Il trouve une épaisse fumée, le reposoir largement calciné.
Il avertit les moines du monastère de la Chaise-Dieu. Ces derniers s’agenouillent un à un pour sauver, à terre, ce qui peut l’être de l’incendie. Dans les cendres, les Bénédictins retrouvent, intacts, un Bref apostolique du pape Clément VIII, accordant les Indulgences, ainsi qu’une lettre de Monseigneur de Rye, qui en autorise la publication. Quand un jeune moine novice, Frère Antoine Hudelot, aperçoit à travers la fumée un ostensoir, préparé la veille, suspendu à cinq pieds de hauteur.
Le miracle des Saintes-Hosties de Faverney
Dans le reliquaire-ostensoir, les moines avaient déposé, la veille, une relique de Sainte-Agathe. Ainsi que deux hosties consacrées, reposant dans une lunule. A la verticale de ce qui semble bien être un Miracle, les moines déposent des cierges. Puis il partent avertir les Capucins de Vesoul, les requérant comme témoins. Quand ceux-ci arrivent finalement, l’événement est toujours en cours. Tous signent alors un mémoire adressé à l’archevêque de Besançon.
Le lendemain, on célèbre les messes. Alors même que le Miracle des Saintes-Hosties se poursuit, devant au moins un millier de personnes. Après 33 heures de lévitation, l’ostensoir vient se reposer sur le corporal. On y retrouve les deux hosties, intactes.
Le contexte des Hosties miraculeuses de Faverney
On mène une enquête. Celle-ci, face à la foule des témoins de visu du phénomène, conclue non seulement au Miracle, mais à la présence concrète du Saint-Esprit sur Terre. Le 18 décembre 1608, à la requête du vicomte Mayeur de Dole, alors capitale de la Franche-Comté, l’une des deux hosties est transférée vers la Collégiale de Dole. Elle y sera conservée dans la Sainte-Chapelle. La seconde reste à Faverney.
La Franche-Comté est alors entièrement Catholique. Et sous domination espagnole. Si les autorités du pays comtois, relativement autonomes, rechignent à l’Inquisition, elles sont en revanche zélées à appliquer les principes de la Contre-Réforme, un vaste plan culturel et cultuel visant à infirmer les thèses théologiques des Réformés. Le Miracle arrive donc à point. Le Saint-Esprit, car cela ne peut être que son œuvre, est bien présent sur Terre.
Il faut dire que, en cette période troublée, la Franche-Comté est bien l’une des rares provinces à n’être que peu en proie aux guerres de religion. Si ce n’est le fameux coup de Besançon – et quelques escarmouches, notamment sur l’abbaye de Faverney – cette terre reste presque totalement catholique (les protestants partent pour Montbéliard ou pour les Cantons réformés frontaliers). La guerre du catholicisme contre la Réforme se tient essentiellement sur un plan culturel et idéologique. On comprend bien comment le culte des Hosties convient parfaitement aux tenants de la Contre-Réforme.
La postérité du miracle des Saintes-Hosties
Très vite, à travers le pays comtois, le culte des hosties de Faverney se répand. Non seulement en Franche-Comté, mais aussi dans la Bourgogne ducale voisine, ainsi qu’à travers tout le Cercle de Bourgogne (les possessions bourguignonnes de l’Espagne, jusqu’aux Flandres).
Le bourg de Faverney devient alors un lieu de pèlerinage des dévots catholiques. A sa façon, et toute proportion gardée par rapport à l’époque, l’abbaye de Faverney invente une sorte de tourisme religieux et cultuel, qui participe grandement au développement économique de la région.
Et si l’une des hosties disparaît au cours de la Révolution, le culte ne faiblit qu’avec le recul du religieux au XXème siècle. Du miracle jusqu’à nos jours, de nombreux pèlerinages sont organisés pour rendre grâce au Saint-Esprit. En particulier depuis que le Pape, en 1864, ait officiellement reconnu le miracle, faisant de l’église de Faverney une basilique.
En 1958, ce sont des milliers de pèlerins (20 000 dit-on) qui font la route jusqu’en Haute-Saône pour assister au congrès eucharistique célébrant les 350 du Miracle des Saintes-Hosties.