Mémoire des guerres de la Comté de Bourgogne
On a peine à y croire dans un XXIème siècle où la Franche-Comté, ex Comté de Bourgogne, est incontestablement française et partie-prenante de la République, mais les Comtois ont longtemps refusé, les armes à la main, de se soumettre aux Rois de France. Des conflits et guerres qui ont laissé quelques traces, monuments et autres noms de lieux.
Les guerres médiévales en Comté de Bourgogne
Tout commence, entre la Franche-Comté et la France… dès le début ! Ainsi, la première trace historique que l’on conserve d’une ville comme Vesoul, Castrum Vesulium, remonte à 988, date à laquelle le Duc de Bourgogne Henri 1er fit le siège de la cité.
Mais les quelques traces qui demeurent en terre comtoise des invasions françaises et surtout bourguignonnes (ducs de Bourgogne, puissants vassaux du Roi de France) datent de la fin du Moyen-Age, une époque où l’union bourguignonne ne s’est pas faite, c’est le moins qu’on puisse dire, sans heurts.
– La Malcombe
1330 : la Comtesse de Bourgogne, Jeanne II, vient de rendre l’âme. Sa fille, Jeanne III, ayant épousé le Duc de Bourgogne Eudes IV, la Comté revient à ce dernier. Au grand dam des seigneurs locaux qui, emmenés par Jean II de Chalon-Arlay, se rebellent contre l’autorité ducale. En 1336, une bataille éclate dans une combe non loin de Besançon. Les seigneurs comtois, défaits, appelleront cet endroit la combe du malheur : la Malcombe.
– Le château de La Rochelle
Il reste à La Rochelle (Haute-Saône) un château dont la construction a débuté au XVIIIème siècle. Mais celui-ci fut en réalité bâti sur les ruines d’une ancienne forteresse comtoise, détruite lors de la seconde union bourguignonne par les troupes du Duc Philippe II le Hardi (1388).
Louis XI en Franche-Comté
La mort de Charles le Téméraire en 1477, duc-comte de Bourgogne, marque la fin de l’union bourguignonne et le début d’une guerre de succession qu’on peut rapidement résumer ainsi : le Roi de France Louis XI hérite au nom de la loi salique du Duché de Bourgogne, mais pas de la Comté, terre impériale où ladite loi ne s’applique pas.
Prétendant défendre les droits de Marie de Bourgogne, il attaque la Comté, rasant à peu près tout sur son passage. Ce conflit se soldera finalement par la réunion de la Comté de Bourgogne à la couronne espagnole (lire notre article).
– Rue d’Enfer à Dole
L’une des traces les plus frappantes de ce passage français en Comté de Bourgogne se situe à Dole où une plaque commémore, rue d’Enfer la bien nommée (en montant vers la Collégiale), « la défense meurtrière soutenue ici par les Dolois en 1479 ». Dans cette ruelle en pente, les bourgeois massacreront les envahisseurs français jusqu’à, finalement, céder. Louis XI, furieux, ordonnera de raser totalement la cité. Les Dolois vivront terrés dans leurs caves durant plusieurs années.
– Impasse de la Défense à Vesoul
Tout aussi furieux, Louis XI le sera en 1479 face à la défense de Vesoul. Une plaque (près de la rue Salengro) commémore cette fois la mémoire « des défenseurs de la cité massacrés en ce lieu ». Là encore, les troupes françaises raseront le château-fort qui protégeait la Motte, dont on ne retrouve guère de traces, si ce n’est au « trou des six-heures ».
Henri IV en Franche-Comté
Le XVIème siècle comtois sera plus calme. C’est le fameux Age d’Or comtois, marqué par la Paix et la protection espagnole. N’empêche : en 1595, Henri IV déclare la guerre à l’Espagne et monte en sous-main une expédition sur la Franche-Comté. Il « laisse faire » deux aventuriers qui auront tôt fait de mettre à mal les défenses de la Province.
Après une résistance acharnée de Dole, Gray, Salins, Poligny, Arbois ou Besançon, le Roi de France contre-attaque et parvient à se rendre maître de la plupart des cités comtoises, avant que des renforts espagnols ne parviennent à le repousser.
– Le vin d’Arbois
Reste de cet épisode brutal une légende : Henri IV, pénétrant dans Arbois, se vit offrir du vin. Le Roi le trouva excellent et crut flatter ses hôtes en les complimentant sur le breuvage. « Et encore, Sire » lui auraient répondu les gens d’Arbois, « nous en avons de meilleur, mais nous le gardons pour les grandes occasions ! ».
La guerre de Dix Ans
Première moitié du XVIIème siècle, l’Europe est ravagée par une guerre aux causes multiples, sur fond de conflits entre Protestants et Catholiques : la guerre de Trente Ans. La France est du côté des Réformés, la Franche-Comté, fidèle à l’Espagne, dans l’autre camp.
Louis XIII, allié aux Suédois, décide d’ouvrir un front dans le Comté de Bourgogne, déclenchant un épisode des plus sanglants de l’affrontement qui restera sous le nom de guerre de Dix Ans (1634-1644). Un désastre qui fera perdre à la Franche-Comté entre la moitié et les deux-tiers de sa population, victime d’exactions qui, même selon les critères moraux de l’époque, furent abominables.
– les défenses de Dole
C’est sur et sous les murailles protégeant Dole que va se dérouler, en 1636, un épisode (sans doute légendaire, mais tout de même) qui restera à la postérité. Les Français font le siège de la capitale comtoise et, ne voyant pas poindre la moindre velléité de reddition, s’agacent. L’un d’entre eux, sans doute un officier, hurle alors vers les remparts : « Comtois, rends-toi ! ». Les défenseurs de la ville répondent alors en chœur : « nenni ma foi ! ». Etonné de la réponse collective, le Français s’énerve et demande « mais qui est donc votre chef ? ». Les Comtois répondent alors de concert : » nous sommes tous chefs ! ».
– la Planche des Belles Filles
C’est aussi durant la guerre de Dix Ans que prit naissance la légende des Belles-Filles. Alors que les Suédois, alliés du Roi de France, ravageaient les Vosges saônoises, les hommes décidèrent de résister et demandèrent à Inès, une jeune femme à la beauté incroyable, de guider femmes et enfants sur la hauteurs, à l’abri des exactions. Hélas, les Suédois trouvèrent des traces dans la neige et se mirent en chasse des réfugiées. Ces dernières, plutôt que d’être violées et assassinées, préférèrent sauter dans l’étang et se noyèrent. Un soldat suédois leur rendit hommage en gravant sur une planche de bois un épitaphe pour les noyées. Ainsi fut nommé cet endroit, désormais haut-lieu du Tour de France, la Planche des Belles-Filles.
– le miracle de Marnay
Durant la même guerre, les Suédois (il est sans doute plus commode aujourd’hui d’attribuer les exactions à ces derniers qu’aux troupes françaises d’alors), firent le siège de Marnay, au bord de l’Ognon (juin 1637). Face à la résistance des bourgeois, ils mirent le feu à la cité, ses habitants se réfugiant dans le château. Là, un tableau de la Vierge, reposant dans la chapelle de l’hôpital, s’échappa miraculeusement des flammes et rejoignit le château. Une plaque est encore visible dans l’église de Marnay, commémorant le miracle.
les guerres et la conquête du Roi Soleil
Loin d’oublier les échecs de son père et de son grand-père en Comté de Bourgogne, Louis XIV se rendra finalement maître de la province en 1674, avant d’en devenir le souverain légal en 1678 (lire notre article). Mais le Roi Soleil s’y reprit à deux fois : si la première victoire en Franche-Comté (1668) lui fut aisée, son retour (1674) se heurta à une résistance bien plus vive de la part des Comtois.
– Arcey et Faucogney
L’un au début de l’invasion française (Arcey, Doubs), l’autre à la fin de la guerre (Faucogney, Haute-Saône), ces deux villages restent des symboles de la furieuse résistance des Comtois aux troupes de Louis XIV. Et, les deux fois, les villageois périrent brûlés vifs dans l’église de leur village. Les deux communes commémorent régulièrement ces « Oradour-sur-Glane » de leur époque.
– les clochers comtois
Mais s’il reste en Franche-Comté des traces de la défiance des Comtois envers les Rois de France, ce sont bien les clochers comtois (lire notre article) : à la fin du XVIIème et tout au long du XVIIIème, les paroisses du Comté de Bourgogne, malheureuses d’être sujettes d’un Roi de France épris de gallicanisme, élevèrent au dessus de leurs églises des clochers de la forme de la couronne du Saint-Empire. Histoire de dire haut et fort : « Roi de France, tu n’es pas chez toi ici ».
Ainsi, si l’animosité comtoise envers la France semble s’être bien éteinte, la mémoire que conserve le pays comtois de ces guerres menées par les Ducs de Bourgogne et les Rois de France parsèment toujours la Franche-Comté de lieux-dits, légendes et monuments.
Ravi d’avoir pu lire ces quelques pages d’histoire de la Franche Comté, histoire généralement peu connue des Franc-Comtois eux-mêmes étant donné que l’enseignement des écoles, collèges et lycées de la république française occulte l’histoire propre des provinces qui la composent. Franc-Comtois par ma mère, je suis tombé sur ce site en cherchant, sans me faire d’illusion, dans ce pays qui évoque sans cesse le devoir de mémoire, s’il y aurait des commémorations du 350ème anniversaire de la conquête française, à une époque où la Franche Comté était à la France ce que l’Ukraine est à la Russie ! Merci pour ces quelques articles qui contribue à notre devoir de mémoire …