Quand les prix littéraires vont aux comtois
A l’heure où le tout-Paris littéraire bruisse des rumeurs quant à l’attribution des prix Goncourt, Renaudot, Médicis, Interallié ou encore Féminina, nous avons voulu rendre hommage aux écrivains comtois qui figurent au palmarès de ces prix littéraires.
Louis Pergaud, prix Goncourt 1910
L’histoire de la Franche-Comté et des prix littéraires commence plutôt bien. Sept ans après la création du plus célèbre d’entre eux, le Goncourt, un jeune auteur de 28 ans, du nom de Louis Pergaud, en est le lauréat. Natif de Belmont (25), l’instituteur se voit primé pour De Goupil à Margot (Mercure de France).
Si on connait surtout Pergaud pour La Guerre des Boutons (et, à vrai dire, ses adaptations cinématographiques), on a tort de négliger ce chef-d’œuvre de la littérature du XXème qu’est « Goupil & Margot ». Considéré d’avantage par certains comme un recueil de nouvelles, le roman y décrit la vie des animaux sauvages. Mais attention, De Goupil à Margot n’a rien d’une fable bucolique. On y constate la sauvagerie et la naïveté des bêtes. Et la terrible cruauté des hommes à leur égard.
Avec ce livre, qui précède de deux ans la Guerre des Boutons, Pergaud anticipe de près d’un siècle tous les questionnements actuels sur la condition animale. Et signe quelques belles pages sur l’amour qu’il porte à la Franche-Comté.
Marcel Aymé, prix Renaudot 1929
C’est à 27 ans seulement que Marcel Aymé, lui, décrochera le Renaudot. Le prix n’en est alors qu’à sa quatrième levée. Cette année-là, il vient récompenser La Table aux Crevés (Gallimard). L’histoire se déroule dans deux petits villages du Jura, Cantagrel et Cessigney. Sur fond de querelles tragiques entre habitants, Aymé y dépeint la rivalité qui oppose la France républicaine de celle des cléricaux.
Bien qu’adaptée au cinéma par Henri Verneuil (1951, avec Fernandel – photo de couverture), la Table aux Crevés n’est pas non plus l’oeuvre la plus connue de Marcel Aymé. Natif de Joigny (89), l’écrivain, très attaché à ses racines franc-comtoises, reste surtout célèbre pour ses Contes du chat perché.
Le style d’Aymé consiste à mêler un français très châtié à de l’argot populaire, avec un soupçon de parler comtois. Son influence principale tient à l’art de la racontotte, ce corpus infini d’histoires populaires de Franche-Comté, qui l’a inspiré notamment pour écrire La Vouivre (1941).
Bernard Clavel, prix Goncourt 1968
Quand, en 1968, Bernard Clavel, 45 ans, obtient le prix Goncourt, c’est à la faveur de la voix prépondérante du président du jury. Louis Aragon, furieux, démissionne de son rôle de juré. Quatrième tome de la saga La Grande Patience, située pendant la Seconde Guerre Mondiale, dans le Jura, le roman Les Fruits de l’hiver passe, aux yeux de certains, pour une littérature trop populaire.
Le Goncourt va tout de même lancer véritablement la carrière d’écrivain de Clavel. Cet ancien pâtissier, devenu journaliste, puis auteur, entretient une relation forte avec sa terre d’enfance, la Franche-Comté. Alors même qu’il voyage énormément. Si la série Les Colonnes du ciel se déroule dans la Comté de la Guerre de Dix ans, celle intitulée Le Royaume du Nord a pour cadre le Québec.
Les autres prix littéraires décernés aux auteurs comtois
Outre ses trois « vedettes » de la littérature franc-comtoise, Pierre Gascar mérite d’être cité. Ce périgourdin d’origine, natif de Paris, obtient le Goncourt en 1953 pour Les Bêtes, un recueil de nouvelles qui explore les liens entre l’Homme et la Nature. Gascar, amoureux du Jura, passera la fin de sa vie dans la région. Il mourra à Lons-le-Saunier. Il est inhumé à Baume-les-Messieurs. Ce lien entre un auteur et la Franche-Comté existe également s’agissant d’Éric Vuillard. Le Goncourt 2017, pour L’Ordre du jour, est en effet issu d’une famille d’origine franc-comtoise.
Mais, parmi les prix littéraires, c’est bien le prix Interallié qui a le plus souvent récompensé des écrivains comtois. Dès 1949, Gilbert Sigaux, érudit et homme de théâtre natif de Lure, obtient la récompense pour Les Chiens enragés. En 1961, Jean Ferniot, journaliste et écrivain parisien originaire de Valdahon, voit son roman L’Ombre portée primé. En 1989, Alain Gerber, écrivain et critique de jazz belfortain, reçoit l’Interallié pour Le Verger du diable.