Les Rois Maudits et la Franche-Comté
Depuis les années 1950, les Rois Maudits rencontrent, à chaque fois, un succès retentissant auprès du public. Saga littéraire par Maurice Druon, séries télévisées en 1972 et en 2005, ce récit est celui de l’Histoire de France, mais aussi un peu celui de l’Histoire de la Franche-Comté.
C’est en 1955 que commence la publication de la saga des Rois Maudits. Une suite romanesque qui débute en 1314 quand le Grand Maître du Temple, condamné à mort par le Roi de France Philippe IV le Bel, prononce sur le bûcher une malédiction à l’encontre de ce dernier, du pape Clément V et de Guillaume de Nogaret, le juriste, et des treize générations qui leur succéderont.
Dans ce récit, Maurice Druon relève comment les malheurs qui touchent la royauté française coïncident étrangement avec la prophétie macabre de Jacques de Molay, maître des Templiers. Une tentative de romaniser l’Histoire qui va rencontrer un large succès, à travers également ses deux adaptations télévisuelles.
Mais la saga ne raconte pas que l’Histoire de France. Elle effleure également, et à de nombreuses reprises, l’Histoire d’une petite province au destin particulier, la Comté de Bourgogne, dite Franche-Comté, dont plusieurs personnages principaux du récit sont soit originaires, soit les souveraines.
Jacques de Molay
C’est par lui que tout commence. Lui qui prononce la fameuse malédiction qui est au cœur de l’histoire. Au XIVème, l’Ordre des Templiers est devenu extrêmement puissant… et riche. Au point, d’une part, qu’on jase encore sur le fabuleux trésor qu’aurait constitué au fil du temps cet ordre religieux et militaire et, d’autre part, qu’il fait de l’ombre au Roi de France lui-même.
En 1307, Philippe le Bel décide donc de mettre à bas l’Ordre du Temple. Il fait arrêter, sous prétexte d’hérésie, tous les Templiers, au premier rang desquels le Grand Maître, Jacques de Molay, un Comtois, et fait bien entendu confisquer tous leurs biens. Au terme d’un procès à charge, le Grand Maître est brûlé en 1314 en place publique. C’est le point de départ des Rois Maudits.
Jacques de Molay, comme son nom l’indique, est originaire du village de Molay, dans l’ouest de l’actuelle Haute-Saône. A l’époque, la Comté de Bourgogne revêt une importance particulière pour l’Ordre du Temple. Cette terre est à la fois une terre impériale, hors de la juridiction du Roi de France, et en cours de rapprochement avec le puissant Etat Bourguignon. Sans compter que c’est Calixte II, le Pape comtois, qui l’a fondé.
On dit, par exemple que, se doutant des desseins du Roi de France, ce sont deux Templiers comtois, Jean Ier de Chalon-Arlay et son fils Hugues, qui ont mis le fameux « Trésor des Templiers » en sécurité.
Mahaut d’Artois
Autre personnage centrale du récit, Mathilde d’Artois, dite Mahaut, est présentée par Druon et les adaptations comme le personnage machiavélique par excellence. On pense aujourd’hui qu’il n’en était en réalité rien. Mahaut d’Artois est régente de Franche-Comté, d’une part, et belle-mère de deux des fils du Roi de France, d’autre part. Veuve d’Othon IV, « l’inventeur du drapeau comtois », elle manigance pour s’assurer à la fois le contrôle de l’Artois et de la Comté de Bourgogne et le destin de ses filles quant au trône de France.
Car Mahaut a marié Jeanne (Jeanne II de Bourgogne, lire la suite) à Philippe, futur Philippe V de France dit le Long, et Blanche à Charles, futur Charles IV de France, l’aîné des fils de Philippe le Bel, Louis (futur Louis X) étant quant à lui marié à Marguerite de Bourgogne (Duché de Bourgogne).
Hélas ! Les projets de Mahaut se heurtent à l’affaire de la Tour de Nesle, qui compromet en 1314 le destin des trois princesses. Deux d’entre elles, Marguerite et Blanche, se sont rendues coupables d’adultère, et donc de crime de lèse-majesté, tandis que Jeanne, plus sage, les a couvertes. Les amants des jeunes femmes sont torturés et mis à mort, les deux princesses coupables tondues et mises au cachot, tandis que Mahaut se démène pour sauver son aînée, Jeanne. Les deux de Mahaut seront bel et bien Reines de France, mais en titre seulement pour Blanche.
Jeanne II de Bourgogne
Autre personnage important du roman Les Rois Maudits : Jeanne de Bourgogne. Ici, il faut bien distinguer la maison de Bourgogne-Comte (Franche-Comté) de celle de Bourgogne-Duc (Bourgogne française). Et si son époux ne la répudie pas, ce n’est pas seulement parce qu’elle n’a tenu qu’un rôle mineur dans l’affaire de la Tour de Nesle, mais aussi parce que Philippe V de France ne tient pas à remiser ses prétentions sur la Franche-Comté pour une histoire de coucheries.
Jeanne y régnera de longues années, jusqu’à sa mort, en 1330, un an après Mahaut, en compagnie de sa mère, lors d’une période que l’historiographie comtoise a retenu comme étant l’une des plus heureuses de l’Histoire de la Province sous le nom de « gouvernement des Deux Femmes ».
A la mort de Jeanne II, c’est sa fille et celle de Philippe V (la loi salique ne s’applique pas en Franche-Comté), Jeanne III, qui hérite de ses titres. Et en fait profiter son époux le Duc Eudes IV de Bourgogne… constituant les bases du puissant état bourguignon qui s’étend sur la Bourgogne ducale, la Bourgogne comtoise, et l’Artois !
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